22 03 2023 - Burnout 2

Ce burnout qui monte chez les utilisateurs des applications de rencontre

Avec la démocratisation de l’utilisation des applications de rencontre, le « dating burnout » devient un nouveau fléau. L’usage fréquent de ces plateformes peut générer une forme de lassitude.

Atlantico en collaboration avec le Docteur Christophe de Jaeger

Atlantico : Quelles sont les raisons qui expliquent le burnout lié aux applications de rencontre ?

Christophe De Jaeger : Beaucoup de gens vont sur ces applications pour sortir de leur solitude, étant donné qu’ils ne rencontrent pas dans leur vie personnelle ou professionnelle une personne qui pourrait devenir à terme un compagnon ou une compagne. Cette démarche est pour beaucoup chargée de beaucoup d’affects.

Et c’est la véritable problématique de ces applications qui tirent leurs succès du rêve qu’elles suscitent à travers la possibilité de rencontres rapides et faciles, à la fois sur la base de motivations personnelles ou purement sexuelles.

Un des grands motifs d’échecs sur les applications est tout d’abord une différence dans les motivations entre femmes et hommes : les femmes recherchent plus un vrai compagnon, et les hommes souvent juste une relation sexuelle. Une des autres grandes difficultés est que les gens ne se montrent pas tels qu’ils sont dans la réalité : ils vont, en créant leur profil, se décrire comme ils aimeraient être eux-mêmes ou être vus par les autres. Donc quand les gens finissent par se rencontrer, il y a une énorme déception. Le désir croissant créé par l’application sera inassouvi et ce sentiment peut durer des années. Certains passent deux ou trois heures par jour sur ce type d’applications, ce qui favorise paradoxalement l’isolement de l’individu.

Allant d’échec en échec et de frustration en frustration, le stress va monter, provoquant à terme, parfois sur plusieurs années, l’épuisement psychologique de l’individu.

En revanche, tout n’est pas à jeter sur ces applications : une étude mentionne tout de même que 12% des individus inscrits sur une application de rencontre finissent par se marier ou ont une relation sérieuse.

Est-ce la faute des individus inscrits sur l’application ou des applications elles-mêmes ?

Christophe de Jaeger : On connaît la façon dont les applications sont construites ; elles le sont afin d’avoir un maximum de gens dessus et le plus longtemps possible.  L’objectif de l’application est de rendre les gens addicts et ainsi permettre au site d’avoir une rentabilité financière.

Ces applications, même si elles revendiquent d’avoir pour objectif « le bonheur des gens  » n’ont pas été créées juste pour cela.

Ceci étant dit, la véritable raison pour laquelle un certain nombre de gens deviennent addicts vient du fait qu’ils ne trouvent pas l’âme sœur parce qu’ils ne cherchent pas le bon profil et se créent une image qui ne correspond pas à la vérité. Ils cherchent à échapper à leur réalité à travers la création d’une sorte d’avatar ce que l’on retrouve également aujourd’hui dans le métavers. Chercher à échapper à la réalité comme par exemple l’usage d’une drogue ne permet pas d’être heureux, car cela ne fait que vous désociabiliser un peu plus.

Quelle serait la solution pour les utilisateurs afin de mettre fin à cet épuisement psychologique ?

Christophe de Jaeger : Ces applications peuvent être considérées comme un outil, mais pour des gens qui sont sincères dans leur demande, et non pas pour des gens qui veulent jouer avec les autres ou échapper à la réalité. Comme je l’ai dit plus tôt, quand vous allez sur internet, un certain nombre d’applications ont pour seule motivation de gagner de l’argent et donc de rendre l’utilisateur addict. Il me semble que les applications à but non lucratif sont rares.

L’individu inscrit doit savoir être plus intelligent que l’application :  il faut donc savoir la maîtriser à votre propre intérêt. C’est pourquoi il faut être soi-même lorsqu’on s’inscrit dessus.

On peut d’ailleurs faire un parallèle avec les jeux d’argent, qui peuvent conduire eux aussi à l’addiction. Il faut donc réussir à limiter le temps de connexion sur l’application, pas plus de quinze à trente minutes par jour. Mais cela est très compliqué puisqu’il y a plein de profils accessibles sur l’application, qu’il faut bien évidemment analyser, puis s’il y a « match » entre les individus, il faut communiquer par la suite… Cela représente un temps infini et beaucoup d’argent. Rester soi-même est la clé.

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.

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