19 12 2022 balance

Cellulite : cette graisse sous-cutanée protégerait contre l’AVC et la démence

Magali Régnier Journaliste

Selon une étude, la graisse qui se loge au niveau des fesses, des cuisses, ou des bras de nombreuses femmes, pourrait bien jouer un rôle protecteur pour le cerveau. De quoi regarder ses rondeurs autrement.

Sommaire

  1. La graisse sous-cutanée plus protectrice que celle stockée dans le ventre
  2. La liposuccion redéfinit la balance de risques
  3. Une disparité qui existe aussi chez l’humain

Et si cette cellulite que vous détestez la plupart du temps pouvait avoir un rôle protecteur pour votre santé et notamment votre cerveau ? Vous en doutez ? C’est pourtant la conclusion d’une étude américaine publiée récemment sur l’accumulation de graisse selon le sexe et son impact sur le cerveau. Le fait d’être plus susceptible de développer de la graisse dans certains endroits sous la peau, comme les hanches, les fesses, les bras, protégerait le cerveau des femmes de l’inflammation jusqu’à la ménopause. Ces phénomènes inflammatoires au niveau artériel et cérébral augmentent les risques d’AVC, d’infarctus ou de démence.

La graisse sous-cutanée plus protectrice que celle stockée dans le ventre

L’étude a porté sur des sujets murins (des souris, mâles et femelles). Les chercheurs ont examiné la quantité et l’emplacement de tissus adipeux chez les sujets mâles et femelles, et l’ont relié cela aux niveaux d’hormones sexuelles produits et à l’inflammation cérébrale.

Selon leurs observations, les femelles développent plus de graisses sous cutanée, dans les zones citées précédemment (hanches, cuisses, fesses…) alors que les hommes cumulent leur graisse autour de la cavité abdominale. C’est ce qu’on appelle l’adiposité viscérale, une graisse connue pour être plus inflammatoire, et augmenter la démence ou les accidents vasculaires cérébraux.

Le fait de produire plutôt de la graisse sous-cutanée jusqu’à la ménopause, protégerait ainsi les femmes d’un risque de démence. L’étude parue dans Diabetes souligne par ailleurs que les hormones sexuelles ne sont pas seules responsables de la différence de risques cérébraux entre les sexes.

La liposuccion redéfinit la balance de risques

Autre information intéressante, les chercheurs ont également étudié l’impact d’un régime riche en graisse, après ce qui s’apparente à une liposuccion pour ôter cette graisse sous cutanée, chez les souris. Une action qui n’a pas été anodine :

Lorsque nous avons retiré la graisse sous-cutanée de l’équation, tout à coup, le cerveau des femelles a commencé à présenter une inflammation comme le font les cerveaux masculins, et les femelles ont gagné plus de graisse viscérale” selon Alexis M. Stranahan, co-auteure de l’étude et neuroscientifique.

  • En bref, en détournant l’emplacement de stockage chez les femelles, l’inflammation reprend comme chez les mâles ;
  • Chez les souris femelles n’ayant pas eu de liposuccion, en revanche, ces changements graisseux ne sont intervenus qu’à la ménopause ;
  • Chez celles qui ont bien subi une liposuccion mais qui ont reçu un régime pauvre en graisse, l’inflammation cérébrale n’a pas été observée.

Une disparité qui existe aussi chez l’humain

Selon le Docteur Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et chercheur français spécialisé dans le vieillissement du corps humain, cette distinction de graisse existe également chez l’humain et entraîne son lot d’inflammation.

La graisse viscérale est un facteur de risque important au niveau des vaisseaux mais il favorise aussi une inflammation artérielle et cérébrale. Un problème rencontré davantage chez les hommes que chez les femmes il est vrai ».

Mais selon lui, le phénomène est connu et s’appuie sur le système hormonal. “Dans le corps humain, la distribution graisseuse est médiée en partie par ce qu’on appelle les stéroïdes sexuels. Donc s’il existe une différence importante de localisation graisseuse entre hommes et femmes, celle-ci est due à la distribution stéroïdienne. Si les femmes sont protégées, c’est en partie parce qu’elles ont des œstrogènes, que n’ont pas les hommes” nous apprend il.

Ainsi la graisse sous-cutanée ne doit plus être une source de complexes : le fait d’avoir de la cellulite plutôt qu’une masse grasse viscérale est une protection contre ces les inflammations, et par conséquent contre les risques cardiovasculaires et cérébraux. On peut dire merci à la peau d’orange !


Sources

  • Alexis M. Stranahan, De-Huang Guo, Masaki Yamamoto, Caterina M. Hernandez, Hesam Khodadadi, Babak Baban, Wenbo Zhi, Yun Lei, Xinyun Lu, Kehong Ding, Carlos M. Isales; Sex Differences in Adipose Tissue Distribution Determine Susceptibility to Neuroinflammation in Mice With Dietary Obesity. Diabetes 2022; db220192. https://doi.org/10.2337/db22-0192
  • Entretien avec le Docteur Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et chercheur français spécialisé dans le vieillissement du corps humain

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.

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