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Contraception masculine : une découverte ouvre la voie à une pilule pour l’homme

Sihem Boultif Journaliste santé

David Bême Rédacteur en chef

en collaboration avec Docteur Christophe de Jaeger (Longévité et gériatrie)

La découverte d’un gène-clé dans la production de spermatozoïdes pourrait ouvrir la voie à un contraceptif masculin efficace, réversible et non hormonal. La première pilule contraceptive masculine est-elle enfin à portée de main ? Le point de vue du Docteur Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et membre du comité d’experts de Doctissimo.

Sommaire

  1. Un gène essentiel à la production de sperme
  2. Une action réversible et non-hormonale
  3. Une cible privilégiée pour une future pilule masculine

Depuis de nombreuses années, les scientifiques cherchent à mettre au point une pilule contraceptive masculine. Les résultats de cette étude américaine pourraient constituer le premier pas dans cette direction, après des années de déception.

Un gène essentiel à la production de sperme

Les chercheurs de l’Université de l’État de Washington ont identifié le rôle du gène, Arrdc5, dans le tissu testiculaire de souris, de porcs, de bovins et d’humains. Lorsqu’ils ont éliminé le gène chez la souris, cela n’a créé l’infertilité que chez les mâles, ce qui a eu un impact sur le nombre, le mouvement et la forme de leurs spermatozoïdes. Cette combinaison d’anomalie (appelée oligoasthénotératospermie) est le diagnostic le plus courant pour l’infertilité masculine humaine, les spermatozoïdes sont incapables de fusionner avec un ovule.

Dans l’étude, les souris mâles dépourvues de ce gène produisaient 28 % de spermatozoïdes en moins, qui se déplaçaient 2,8 fois plus lentement que chez les souris normales – et près de 98 % des spermatozoïdes avaient des têtes et des parties médianes anormales. La protéine codée par ce gène est donc nécessaire à la production normale de sperme.

Une action réversible et non-hormonale

Pour l’auteur principal de ce travail, le Pr Jon Oatley, professeur à la WSU’s School of Molecular Biosciences, « l’étude identifie pour la première fois ce gène comme étant exprimé uniquement dans le tissu testiculaire, nulle part ailleurs dans le corps. Lorsque ce gène est inactivé ou inhibé chez les mâles, ils fabriquent des spermatozoïdes qui ne peuvent pas féconder un ovule, et c’est une cible de choix pour le développement de contraceptifs masculins ».

De plus, la perturbation de cette protéine ne nécessiterait aucune interférence hormonale, un obstacle majeur à la contraception masculine jusqu’alors puisque la testostérone joue d’autres rôles au-delà de la production de sperme, notamment la construction de la masse osseuse et de la force musculaire ainsi que la production de globules rouges.

D’autres expériences ont montré que la « réactivation » de ce gène permettait de revenir à une production de sperme normale. Concevoir un médicament pour cibler cette protéine rendrait la contraception facilement réversible.

Une cible privilégiée pour une future pilule masculine

De plus, les chercheurs rappellent leur objectif, à savoir « empêcher le sperme d’être fabriqué normalement », une capacité qui serait réversible à l’arrêt du produit. Enfin, selon le Pr Oatley, « À l’heure actuelle, nous n’avons vraiment rien du côté de la contraception masculine en dehors de la chirurgie et seul un petit pourcentage d’hommes optent pour la vasectomie. Si nous pouvons développer cette découverte en une solution médicamenteuse, cela pourrait avoir des impacts considérables ».

L’avis du Docteur Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et membre du comité d’experts de Doctissimo

« Je salue tout d’abord la qualité de cette étude et le travail réalisé qui détaille très bien la cascade génétique et les différentes étapes pour arriver à ce blocage temporaire du sperme, via cette protéine. Mais comme souvent en médecine, les mécanismes physiologiques sont complexes et ce qui est démontré ici vaut pour la souris. On reste actuellement très loin d’une application chez l’homme, mais c’est une piste qui peut être prometteuse« .

Sources

  • Giassetti, M.I., Miao, D., Law, N.C. et al. ARRDC5 expression is conserved in mammalian testes and required for normal sperm morphogenesis. Nat Commun 14, 2111 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-37735-y

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.