Atlantico avec le Docteur Christophe de Jaeger
Les chercheurs de l’Institut Karolinska et de l’Université de Copenhague ont découvert que le moment où l’on fait de l’exercice peut régler avec précision le métabolisme des graisses chez la souris.
Atlantico : Les chercheurs de l’Institut Karolinska et de l’Université de Copenhague ont découvert que le moment où l’on fait de l’exercice peut régler avec précision le métabolisme des graisses chez la souris. Est-ce nouveau ? Quelles sont les méthodes d’observation ?
Christophe de Jaeger : Ils cherchent à répondre à une question que l’on se pose depuis toujours : quel est le moment idéal pour faire du sport. De façon générale, il y a un consensus pour recommander une activité physique le matin. Certains pensent même que l’on tire le meilleur de son organisme à jeun afin de perdre un maximum de masse grasse. Il était donc intéressant de savoir s’il y a des raisons biochimiques à recommander un travail le matin plutôt que dans la fin d’après-midi. Ce travail porte sur des souris chez qui l’on va faire des prélèvements de cellules adipeuses. Il s’agit donc d’une expériences invasives mais qui de ce fait va permettre d’analyser le fonctionnement métabolique des cellules graisseuses à l’effort en fonction de l’heure de la journée.
L’équipe de l’Institut Karolinska s’est rendu compte que d’un point de vue métabolique, en particulier en termes de gestion des graisses, l’exercice était plus intéressant lorsqu’il était fait le matin.
Il faut toujours, dans le cas d’études sur les animaux, se poser la question de la transposition à l’homme. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a beaucoup de facteurs qui jouent sur le tissu adipeux : les hormones, la température, ce qu’on mange et effectivement l’exercice physique. L’exercice va stimuler certains gènes au niveau de la cellule qui vont provoquer des modifications du métabolisme cellulaire. C’est ce qui va être également mis en évidence via, notamment, les acides gras non estérifiés, signe d’activité de la cellule graisseuse.
Ce qui est nouveau, c’est la profondeur du travail. Ils ne se content pas d’observer s’il y a une perte de masse grasse plus ou moins importante, une consommation d’oxygène et une synthèse de gaz carbonique, mais descend vraiment au niveau moléculaire pour voir quels sont les gènes qui s’activent.
Néanmoins, je ne pense pas que ce travail change certaines habitudes d’horaires, car souvent la séance de sport est plus liée à des contraintes extérieures qu’à une volonté propre.
Comment l’exercice physique à différents moments de la journée peut affecter la combustion des tissus adipeux (graisses) par l’organisme ?
Chez l’humain, on sait tous que l’exercice physique doit être fait le matin pour les meilleurs résultats physiques et musculaires et pour brûler un maximum de masse grasse. L’exercice fait le soir n’a pas la même valeur. Il servira plutôt à « brûler le stress » et à se décontracter en jouant sur le cortisol. L’exercice du matin est plutôt métabolique. Et ça nous le savons depuis longtemps. L’étude permet d’expliquer plus en profondeur le phénomène.
Ce qu’on observe aussi c’est un lien important avec la lumière -les souris étant très dépendantes du cycle circadien -. C’est également l’une des raisons pour lesquelles l’exercice marche mieux le jour.
La quantité de nourriture consommée influe-t-elle sur les observations faites ?
Ce qu’on sait habituellement, c’est que la quantité de nourriture une fois métabolisée va soit être consommée directement par l’activité musculaire soit être mise en réserve. La nourriture sera mieux métabolisée le matin. Cette étude, chez la souris, montre que la prise alimentaire ne modifie pas les processus métaboliques cellulaires.
Que retenir d’autre de cette étude ?
Ce qui est aussi intéressant, c’est que lorsqu’il y a un entraînement physique chez les rongeurs, cela remodèle la graisse sous cutanée en réduisant la taille des cellules graisseuses mais également en augmentant la capture du glucose par les cellules et augmentant le métabolisme des adipocytes. Cela permet également d’augmenter le métabolisme propre des cellules graisseuses et de réduire les marqueurs de l’inflammation. Il est important de retenir que cela reste un modèle animal, ce qui est toujours complexe. Et les données recueillies ici vont permettre de chercher les mêmes résultats de manière détournée chez l’homme pour savoir si les mêmes gènes sont en action.
Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.
Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et
de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.
De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.
Son dernier ouvrage grand public »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.
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