Auteur : Docteur Christophe de Jaeger
Si certaines attitudes sont favorables à l’entretien du capital santé, d’autres le grignotent inexorablement. Pour s’en protéger efficacement, il faut d’abord les connaître.
Aujourd’hui, nous poursuivons sur le soleil ! (partie 1 sur ce lien)
Les effets du soleil sur la peau
La peau se protège contre le rayonnement UV en produisant d’avantage de mélanine, et en stimulant la prolifération cellulaire pour que la couche cornée s’épaississe. Il ne faut pas croire pour autant qu’une peau bronzée, bien que protégée contre les coups de soleil, soit à l’abri des agressions des UV. Ceux-ci continuent à pénétrer dans les couches profondes où ils poursuivent leur action destructrice.
Une exposition excessive au soleil, sans prendre les protections indispensables, peut se solder par des dégâts aigus aussi bien que chroniques. Pour évaluer ces risques, certains facteurs importants doivent être pris en considération : l’intensité du rayonnement, la durée et la fréquence de l’exposition, et la sensibilité individuelle aux UV en fonction du type de peau et de certains facteurs génétiques.
Le premier effet immédiat d’une exposition excessive au soleil est bien connu : c’est le coup de soleil. Lorsqu’il est bénin, il se manifeste par une rougeur de la peau (érythème) qui apparaît quelques heures après l’exposition, et culmine entre 8 et 24 heures plus tard pour s’estomper en quelques jours. Les coups de soleil plus intenses peuvent aller jusqu’à la brûlure, parfois accompagnée de fièvre et de maux de tête. Il ne faut jamais prendre les coups de soleil à la légère, car même bénins, leur accumulation finit par endommager le fonctionnement global de la peau et par accélérer son vieillissement.
Ces effets immédiats s’accumulent avec le temps. Plus on s’expose au soleil, plus la couche cornée s’épaissit, ce qui finit par provoquer une sécheresse cutanée permanente. Parfois apparaissent des plaques de décoloration dues à la rupture de petits vaisseaux sanguins. Les UV-A finissent par endommager les fibres d’élastine et de collagène contenues dans les couches cutanées inférieures, ce qui provoque un vieillissement prématuré de l’épiderme. Les rides et l’aspect cartonneux des personnes qui ont abusé de l’exposition solaire sont très caractéristiques.
Des taches de rousseur et des taches brunâtres (lentigos) peuvent apparaître sur les peaux fragiles, peu pigmentées, après une exposition au soleil. La lengitinose est d’autant plus répandue que l’on avance en âge. Elle touche en priorité les personnes de plus de 60 ans. Ces taches, qui dépassent rarement 5 mm de diamètre, contribuent à donner à l’épiderme un aspect prématurément vieilli.
Les grains de beauté (nævi pigmentaires) sont des tumeurs bénignes des mélanocytes, qui se développent initialement dans les couches profondes de l’épiderme, avant de remonter vers le derme. Ils sont plus fréquents chez ceux dont la peau est peu pigmentée. Ils siègent surtout sur les parties du corps très exposées au soleil et sont associés à un risque accru de mélanome (variété de cancer de la peau).
Enfin, la kératose solaire est symptomatique d’une multiplication précancéreuse des cellules de la peau. Chez les habitants âgés des régions très ensoleillées qui ont une peau peu pigmentée, cette maladie siège fréquemment sur les parties du corps régulièrement exposées. Plus les lésions de ce genre sont nombreuses, plus le sujet court un risque élevé de cancer cutané autre qu’un mélanome.
Soleil et cancer de la peau
Parler des effets néfastes du soleil sur la peau revient rapidement à aborder le problème des cancers cutanés. C’est la forme de cancer la plus rependue chez l’homme. Dans 95 % des cas, il s’agit d’épithéliomas baso ou spinocellulaires, le reste étant des mélanomes malins. On a démontré scientifiquement que la lumière du soleil joue n rôle important dans l’apparition des cancers cutanés.
En soi, grains de beauté et taches de rousseur n’ont rien d’inquiétant. Cependant, dès qu’un grain de beauté change de couleur grossit, démange, présente des signes d’inflammation, exsude ou saigne, il faut consulter : ce sont peut-être les premiers symptômes d’un cancer cutané. Plus de la moitié des cancers spinocellulaires, et environ 75 % des épithéliomas basocellulaires, siègent sur la tête et la nuque, là où l’exposition au rayonnement solaire est maximale. On en rencontre aussi sur les avant-bras et les mains, ainsi que sur d’autres parties du corps régulièrement exposées au soleil. Les personnes dont la peau est peu pigmentée y sont plus exposées que celle dont la peau est sombre. Divers travaux ont montré que les personnes de plus de 50 ans, ayant travaillé en plein air la majeure partie de leur existence, sont plus enclines à développer des cancers de la peau que les autres.
Avec un pronostic de mortalité de 25 %, les mélanomes malins sont les moins fréquents mais les plus dangereux des cancers de la peau. Pour l’ensemble de la planète, leur nombre augmente à un rythme alarmant, bien supérieur à celui des autres cancers cutanés. On estime que l’exposition aux UV n’est qu’un des facteurs favorisant les mélanomes. Ils sont beaucoup plus répandus chez les individus dont la peau est peu pigmentée, bien qu’ils vivent dans des régions souvent moins ensoleillées que les autres. Néanmoins, les mélanomes dépendent davantage des facteurs génétiques responsables de la multiplication des grains de beauté que de la pigmentation. On a observé que le risque de mélanome était plus important chez les sujets qui, dans leur enfance, avaient des taches de rousseur.
Néanmoins, s’il est encore impossible d’intervenir sur les facteurs génétiques prédisposant au développement de ce type de cancers, il est facile de limiter les expositions au soleil et de ne jamais s’exposer sans se protéger.
Le soleil et les yeux
Lorsque l’on parle des effets négatifs du soleil sur le vieillissement et sur la santé, tout le monde pense immédiatement à la peau. Mais on songe rarement aux yeux qui, pourtant, pâtissent au moins autant de l’excès de rayonnement. Pour atteindre la rétine, la lumière traverse la cornée, la pupille, le cristallin et l’humeur vitrée. Les particules de lumière sont ensuite converties en impulsions nerveuses pour être transmises au cerveau, qui les interprète sous forme d’images. Nos yeux sont dotés de mécanismes de protection : constriction de la pupille et abaissement des paupières. Mais ceux-ci sont commandés par la lumière visible et non par les UV. Or ces derniers ont aussi des effets dévastateurs sur l’organe de la vision.
La photo kératite est la première manifestation aiguë due à une exposition à un rayonnement UV intense. Cette maladie provoque des lésions des couches extérieures de la cornée, qui se traduisent par de vives douleurs et une perte de l’acuité visuelle. La photo kératite peut être provoquée par le soleil seulement lorsque la réflexion est très importante, notamment sur la neige. D’où son surnom de »cécité des neiges ». Elle peut aussi être due aux UV émanant d’une lumière artificielle, par exemple l’arc électrique d’un poste de soudure.
Chez l’adulte, une mince fraction seulement des UV atteint la rétine (1 % au maximum), le reste étant absorbé par la cornée et les milieux transparents. Toutefois, cette faible quantité de rayonnement, dont on sait qu’elle est dommageable aux tissus, a des effets néfastes sur la rétine. Il a été suggéré que la dégénérescence de la tache jaune et la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) pourraient être, en partie au moins, secondaires à l’exposition à la lumière.
Enfin, n’oublions pas la cataracte. C’est la première cause de cécité dans le monde. Cette maladie provoque une opacification du cristallin. Avec l’âge, elle se développe chez la plupart des gens, bien qu’à des degrés divers. Il est largement admis que la formation de certains types de cataracte est en rapport avec une exposition régulière et prolongée aux UV.
Il semble que les lésions oculaires, qu’elles soient aiguës, évolutives ou chroniques, ne dépendent as du type de peau ou de la couleur de l’œil. Bien que leur peau soit mieux protégée, les personnes qui ont une peau moyennement ou fortement pigmentée doivent tout de même penser à protéger leurs yeux.
Le soleil et le système immunitaire
Certains chercheurs affirment que l’exposition de la peau aux UV solaires déprime, chez l’homme, certains mécanismes immunitaires. Ces scientifiques expriment une forte inquiétude, à plusieurs niveaux. Ils craignent notamment que l’exposition aux UV, accentuée par les perturbations de la couche d’ozone, n’accroisse dangereusement le risque d’infections et ne prive partiellement les vaccins de leur efficacité. Ils redoutent également que nos défenses contre le cancer de la peau s’en trouvent affaiblies, et ce, quelle que soit la couleur de la peau. Même si on ne peut pas encore ne mesurer l’ampleur, on sait que ces dépressions immunitaires dues au soleil existent bel et bien, comme en témoignent les »boutons de soleil », ces éruptions cutanées siégeant souvent sur les lèvres et dues à un réveil intempestif du virus de l’herpès consécutif à une exposition prolongée au soleil.
Des mesures de protection indispensables
Nous ne pouvons pas nous mettre complètement à l’abri des ardeurs de l’astre solaire, car nous ne sommes pas des animaux nocturnes ! Mais nous pouvons (et nous devons) nous protéger des ses excès. Les mesures de protection, simples à mettre en œuvre, sont trop souvent cutané et l’émergence de maladies spécifiques de la peau et de l’œil.
Grâce à la position encastrée de l’œil dans le crâne, à l’avancée du bourrelet sus-orbitaire et à la présence de la paupière supérieure, la cornée est efficacement protégée lorsque le soleil est au méridien et que l’intensité du rayonnement UV est à son maximum. On regarde d’ailleurs rarement le soleil en face quand il est haut dans le ciel. Et lorsqu’il est plus bas sur l’horizon, on a tendance à fermer partiellement les paupières ou à froncer les sourcils pour le regarder, ce qui protège l’œil d’une exposition trop intense. Les brûlures directes de la cornée sont donc rares, sauf lorsque la réflexion des UV par le sol est importante (neige fraîche, sable blanc).
Par temps couvert, le rayonnement UV-B est atténué par la couche nuageuse. Pourtant, la quantité qu’en reçoit l’oeil du fait de la diffusion atmosphérique n’est réduite que de moitié environ. Nous avons tendance à porter des lunettes de soleil seulement lorsque la luminosité visible est très intense, alors que ce n’est pas la situation la plus dangereuse pour la santé des yeux. Les temps voilés, brumeux, vaguement nuageux sont très néfastes, alors même que la lumière ne semble pas très agressive. Pensez à porter des lunettes solaires protectrices dans ces circonstances, ainsi que des chapeaux à large bord et des casquettes à visière qui diminuent l’exposition oculaire. Choisissez des lunettes de bonne qualité, dont les verres filtrent au moins 95 % des UV.
L’été, il est préférable de mener les activités de plein air en début de matinée et en fin d’après-midi afin d’éviter, pour la peau comme pour les yeux, les heures de fort ensoleillement et de grande luminosité. Si vous désirez vous exposer au soleil pour hâler votre peau, abstenez-vous de le faire entre 10 heures et 14 heures. Pensez à protéger votre épiderme avec une crème solaire possédant un indice de protection adapté à votre type de peau (plus le nombre qualifiant l’indice est élevé, plus la protection est forte). Et n’oubliez pas de renouveler l’application de la crème toutes les deux heures et après chaque baignade.
Si vous êtes à l’extérieur aux heures de fort ensoleillement, portez des vêtements légers mais qui recouvrent vos bras et vos jambes, ainsi que des chapeaux ou des casquettes et des lunettes solaires. Restez à l’ombre si vous le pouvez, elle protège la peau d’une partie du rayonnement. Mais elle n’est pas aussi efficace pour les yeux. N’enlevez donc pas vos lunettes solaires sous prétexte que le soleil ne vous éblouit plus.
Soyez particulièrement vigilants en ce qui concerne la protection des enfants afin de leur éviter, à l’âge adulte, des problèmes de santé sérieux et un vieillissement précoce de l’épiderme. C’est particulièrement important pour les enfants qui portent des taches de rousseur. Ils vous en remercieront un jour…
Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.
Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et
de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.
De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.
Son dernier ouvrage grand public »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.