09 01 2023 - 65 ans retraite 2

Réforme des retraites : après 65 ans, les Français sont-ils toujours en bonne santé ?

Magali Régnier Journaliste

en collaboration avec le Docteur Christophe de Jaeger (Longévité et gériatrie)

Si l’espérance de vie des Français a augmenté au fil des ans, peuvent-ils toutefois espérer profiter pleinement d’années en bonne santé, à 65 ans passés ? La question, au cœur des débats sur la réforme des retraites, mérite d’être posée. Éléments de réponse avec le Docteur Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et spécialiste du vieillissement.

Sommaire

  1. Une espérance de vie qui croît, régulièrement, mais de moins en moins vite
  2. L’espérance de vie « en bonne santé », l’autre indicateur important
  3. Prolonger l’espérance de vie en bonne santé doit être l’enjeu

Vivre plus longtemps signifie-t-il pour autant vivre mieux et en meilleure santé ? Cette question que chacun peut se poser à son échelle, prend une nouvelle tournure alors que la réforme des retraites envisage de placer l’âge de la retraite à 65 ans (contre 62 actuellement). “Nous vivons plus longtemps et donc (…) nous devons travailler plus longtemps” déclarait Olivier Dussopt, ministre du Travail en décembre, selon la ligne de conduite du gouvernement. L’espérance de vie qui augmente fait, en effet, partie des arguments en faveur de la réforme. Mais ce constat est-il si implacable que cela ? Et n’oublie-t-il pas rapidement plusieurs nuances qui accompagnent l’âge des Français ?

Une espérance de vie qui croît, régulièrement, mais de moins en moins vite

C’est un fait : les Français vivent de plus en plus longtemps. Ainsi, selon l’Insee, et dans les conditions de mortalité actuelles, une petite fille née en 2021 pourrait vivre en moyenne jusqu’à 85,4 ans, alors qu’un garçon né la même année vivrait jusqu’à 79,3 ans. En 70 ans, les Français auraient gagné en moyenne 15 ans de vie.

Sauf qu’on omet de dire que plus les années passent, moins cette augmentation d’espérance de vie totale à la naissance augmente » précise le Docteur Christophe de Jaeger, médecin spécialiste du vieillissement et membre du comité d’experts de Doctissimo.

De plus, l’augmentation de l’espérance de vie est due à une réduction de la mortalité infantile depuis les années 50, et au fait qu’on traite mieux et plus longtemps les personnes âgées avec des maladies chroniques. “Cela ne va pas dans le sens de la bonne santé, paradoxalement, on augmente seulement cette période de vie en mauvaise santé” confirme-t-il.

L’espérance de vie « en bonne santé », l’autre indicateur important

A-t-on raison de s’appuyer sur l’espérance de vie totale pour désigner le bon âge de la retraite ? Pour le médecin, il s’agit de se baser sur un autre indicateur : ce qu’on appelle l’espérance de vie sans incapacité, ou espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire la durée de vie moyenne d’une personne avant qu’elle soit touchée par des limitations dans les activités au quotidien.

La moyenne, dans ce cas, baisse drastiquement. Selon l’Insee toujours, en 2020, l’espérance de vie sans incapacité atteignait 64,4 ans chez les hommes et 65,9 ans chez les femmes, sans compter les disparités selon le mode de vie.

“Mais 65 ans pour une femme, qui a une espérance de vie totale de 85 ans, ça veut dire 20 ans malade. Cela pose donc un problème. C’est une bonne chose qu’on traite les gens, et qu’on obtienne des résultats avec la médecine d’aujourd’hui, mais ça nous interroge sur ce qu’il doit se passer avant, en prévention”.

Prolonger l’espérance de vie en bonne santé doit être l’enjeu

Pour le Docteur Christophe de Jaeger, l’accent et le décompte dans cette problématique ne sont tout simplement pas placés au bon endroit.

“Une fois qu’une personne est malade, c’est le système de santé qui le prend en charge et ce sont les traitements médicaux qui vont prolonger la vie de gens malades. Cette espérance de vie est liée aux progrès médicaux. Mais personne ne s’interroge sur comment augmenter cette espérance de vie en bonne santé ? Alors que c’est là que des efforts doivent être faits. Pour que l’espérance de vie “en bonne santé” passe de 65 à 70 ou 75 ans et ainsi profiter pleinement de ses années de retraite”.

Ainsi, les chiffres statistiques offrent un panorama intéressant, que ce soit pour la retraite ou d’autres décisions. Mais pour le médecin, ils ne doivent pas cacher la réalité de ce que vit chaque individu.

Ces chiffres ne font que mettre en évidence la nécessite d’une prise en charge le plus tôt possible pour rester acteur de sa santé… Ce qui devrait être la priorité offerte aux Français avant même de parler de retraite.

Sources

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.

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