06 02 2023 - 2 Esperance de vie

Un médicament contre l’hypertension capable de prolonger l’espérance de vie ? Itw du Docteur Christophe de Jaeger

Sihem Boultif Journaliste santé

Des chercheurs de l’Université de Liverpool au Royaume-Uni viennent de publier une étude dans laquelle ils estiment qu’une molécule connue pour lutter contre l’hypertension artérielle pourrait augmenter l’espérance de vie. Les explications de Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et membre du comité d’experts de Doctissimo.

Sommaire

  1. Un médicament qui imite une restriction calorique
  2. L’espérance de vie des vers allongée

Comment prolonger l’espérance de vie de l’être humain ? C’est la question que se posent certains scientifiques et une équipe de chercheurs de l’Université de Liverpool au Royaume-Uni en collaboration avec l’Institut de médecine translationnelle en Suisse et la Harvard Medical School aux États-Unis.

Un médicament qui imite une restriction calorique

Les chercheurs ont étudié la rilménidine une molécule déjà connue pour lutter contre l’hypertension artérielle. La rilménidine est un médicament délivré sur ordonnance parfois commercialisé sous les noms de marque Hyperium, Albarel, Tenaxum et Iterium.

Avant de choisir cette molécule, les scientifiques ont tout d’abord effectué une analyse informatique pour déterminer les médicaments qui peuvent imiter la restriction calorique. En effet, cette dernière est connue depuis longtemps pour avoir des effets anti-âge.

« Notre méthode de calcul fonctionne en identifiant les médicaments qui présentent des signatures moléculaires similaires à la restriction calorique. Cela nous a permis d’identifier divers composés comme candidats pour ralentir le vieillissement » indique l’auteur principal de ce travail, le Dr João Pedro Magalhães.

« Nous avons choisi de nous concentrer sur la rilménidine car elle est disponible par voie orale avec des utilisations cliniques humaines et des effets secondaires modestes et rares » a-t-il poursuivi. « Par conséquent, c’est un médicament attrayant pour le repositionnement d’autres maladies liées à l’âge et anti-âge en général« .

L’espérance de vie des vers allongée

Ensuite pour réaliser l’étude en elle-même, ont utilisé un modèle animal, le ver rond Caenorhabditis elegans, qui ne vit que quelques semaines. Un groupe de vers a été traité avec de la rilménidine, tandis qu’un autre groupe ne l’était pas, constituant le groupe-témoin.

« Nous avons constaté que les animaux traités à la rilménidine vivent beaucoup plus longtemps, environ 20 %, que les témoins » explique le chercheur. « Ensuite, nous avons examiné les marqueurs de santé et constaté que les animaux traités à la rilménidine sont en meilleure santé plus longtemps, ce qui signifie que la durée de vie et la durée de vie en bonne santé sont prolongées par le traitement à la rilménidine ».

Selon lui, la rilménidine est déjà utilisée en clinique, y compris par des personnes âgées, qu’elle est disponible par voie orale et qu’elle a des effets secondaires rares et non graves, il est plausible de la réutiliser pour d’autres applications cliniques.« Bien que bien sûr, des travaux supplémentaires soient nécessaires pour établir son efficacité dans le contexte d’autres maladies liées à l’âge » nuance-t-il.

L’avis du Docteur Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et membre du comité d’experts de Doctissimo

« Cette étude est une publication supplémentaire de l’action d’une molécule sur la longévité. On sait que la restriction calorique a un effet sur la longévité, cela a déjà été démontré. La FDA a une étude en cours sur la metformine, un médicament couramment utilisé contre le diabète, afin de déterminer ses effets sur la longévité aussi. Cela passe par l’étude de son action sur la glycémie, mais aussi sur les gènes FOXO de la longévité, sur le métabolisme lipidique, la régulation des déchets intracellulaires… Tout comme la rilménidine étudiée ici » explique d’une part le spécialiste. « Cette molécule qui agit contre l’hypertension artérielle. Le fait de diminuer la pression artérielle chez un individu augmente de fait sa longévité, en lui évitant certains événements cardiovasculaires graves. Cette étude est donc intéressante car elle ouvre une nouvelle piste mais il faut rappeler que ces molécules restent des médicaments et que leur usage doit rester sous surveillance médicale. Ils présentent toutefois des actions cellulaires avec des effets propres intéressants qu’il est nécessaire d’étudier à long terme chez l’homme, pour explorer d’éventuels effets secondaires ou indésirables qui pourraient survenir pour cette indication anti-âge » conclut il.

Sources

  • Bennett, D. F., Goyala, A., Statzer, C., Beckett, C. W., Tyshkovskiy, A., Gladyshev, V. N., Ewald, C. Y., & de Magalhães, J. P. (2023). Rilmenidine extends lifespan and healthspan in Caenorhabditis elegans via a nischarin I1-imidazoline receptor. Aging Cell, 00, e13774. https://doi.org/10.1111/acel.13774

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.

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