News Day FR avec le Docteur Christophe de Jaeger
La vitesse de détérioration des fonctions cognitives a été particulièrement rapide au cours de la première année de la pandémie.
Atlantico : Selon l’étude PROTECT publiée dans The Lancet Healthy Longevity, le confinement et les conditions restrictives auraient pu affecter les facultés cognitives. Quelle a été la méthodologie utilisée ? Quels résultats observés ?
Christophe de Jaeger : Cette étude réalisée au Royaume-Uni par le professeur Anne Corbett et son équipe de l’université d’Exeter est intéressante, car elle s’intéresse aux conséquences de l’isolement forcé des populations pendant la pandémie de Covid 19. n’agit pas à partir des conséquences cérébrales secondaires à la condition COVID, mais à partir des conséquences des mesures de protection qui ont été prises pour lutter contre la pandémie.
La méthodologie utilisée dans cette étude a consisté à soumettre une population de 3 000 volontaires à des auto-questionnaires annuels sur internet associés à des tests de mémoire et de raisonnement. Celle-ci visait à mettre en évidence une altération de leurs fonctions de mémoire, voire d’autres capacités, tout au long de la pandémie.
Les résultats ont clairement montré une dégradation des capacités cérébrales des personnes suivies. L’isolement avec ses conséquences classiques, comme l’isolement, le stress, la dépression, la consommation d’alcool ont été mis en avant. Gérer la peur du COVID, s’interroger sur les conséquences de la pandémie sur l’environnement sociétal et la disparition des routines pré-COVID ont eu un réel impact sur la santé cérébrale des participants à l’étude.
La vitesse de détérioration des fonctions cognitives a été particulièrement rapide au cours de la première année de la pandémie. Les problèmes de mémoire se sont aggravés au cours de la deuxième année. Les personnes dont les fonctions cognitives se sont le plus détériorées sont celles qui avaient déjà eu des problèmes.
Les restrictions que nous avons connues pendant la pandémie de covid ont eu un impact réel et durable sur la santé cérébrale des personnes de plus de 50 ans. De quoi parle-t-on ? perte de mémoire? d’autres symptômes ?
L’un des avantages de cette étude est qu’elle a inclus des personnes de plus de 50 ans et pas seulement des seniors ou, autrement dit, une population gériatrique. 50 ans représentent une grande partie de la population. L’étude montre une altération des fonctions cognitives dans cette population avec deux scénarios : dans le groupe sain, sans pathologie cérébrale, on observe l’apparition de troubles de la mémoire et pour le groupe ayant déjà des troubles cognitifs préexistants, une augmentation de ceux-ci.
Une altération des fonctions cognitives regroupe différents types de symptômes : atteintes de la mémoire immédiate, mémoire retardée, difficultés de raisonnement, parfois troubles du comportement, etc.
L’autre point important de cette étude est qu’elle montre la pérennité des symptômes apparus ou aggravés.
Selon les experts, le stress, la solitude et la consommation d’alcool pourraient expliquer certains résultats. Qu’est-ce que c’est vraiment ?
L’isolement est un facteur majeur de perturbation des fonctions cérébrales. Elle est souvent associée à un syndrome anxio-dépressif lié à la peur de l’isolement, à la peur de ses conséquences… et enfin, à la dépression qui conduit au repli sur soi. L’augmentation de la consommation d’alcool ou la prise de médicaments ou de drogues sont des réponses classiques, mais néfastes, à ces situations.
La puissance cérébrale a chuté chez les plus de 50 ans. Rien chez les plus jeunes ?
L’étude ne mentionne pas le cas des plus jeunes. Mais l’isolement est préjudiciable à chacun, quel que soit son âge ou son sexe. Cela peut également conduire à des comportements négatifs. Cela dépendra principalement de la structure psychologique de la personne (fragile ou non) et de son environnement. Une personne plus jeune aura plus de capacité de récupération qu’une personne de plus de (déjà) 50 ans.
Le déclin cognitif peut-il conduire à la démence ?
Le déclin cognitif est la première étape vers la démence. Des situations perturbantes, comme l’isolement vécu, vont, chez les personnes sans lésions cérébrales antérieures, favoriser l’accélération de la sénescence cérébrale et favoriser, dans un avenir plus ou moins lointain, des troubles comme les « Light Cognitive Impairment » ou troubles cognitifs légers. qui dans un certain nombre de cas évoluera vers la démence.
En revanche, chez une personne déjà fragilisée par une altération même modérée des fonctions cognitives, la survenue d’un stress tel que celui de la pandémie va provoquer une nette accélération de la symptomatologie et favoriser l’évolution vers un syndrome de démence.
Il est donc très important de ne pas négliger cette souffrance vécue par les personnes isolées et surtout de l’accompagner de soins médicaux adaptés. Au moindre symptôme, vous devez consulter votre médecin généraliste.
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Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.
Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et
de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.
De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.
Son dernier ouvrage grand public »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.