Sihem Boultif Journaliste santé
en collaboration avec Docteur Christophe de Jaeger (Longévité et gériatrie)
D’après les résultats d’une étude américaine, un apport réduit en oxygène est associé à une durée de vie plus longue chez la souris. Comment expliquer ce phénomène ? Le point de vue du Docteur Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et membre du comité d’experts de Doctissimo.
Sommaire
- Deux groupes de souris étudiés dans des conditions différentes
- Des souris avec une longévité plus importante
Les effets d’une restriction en oxygène, également appelée hypoxie, sur la souris ont été étudiés par des scientifiques américains. Le Dr Robert Rogers du Massachusetts General Hospital de Boston, aux États-Unis, et ses collègues ont mené des expériences en laboratoire avec un modèle animal (des souris élevées pour vieillir plus rapidement que les autres souris tout en montrant des signes classiques de vieillissement des mammifères dans tout leur corps).
Deux groupes de souris étudiés dans des conditions différentes
Pour prolonger la durée de vie en bonne santé, un certain nombre de composés chimiques et d’autres interventions ont montré des effets prometteurs chez les mammifères, comme le médicament metformine ou la restriction alimentaire. La restriction en oxygène a également été liée à une durée de vie plus longue chez les levures, les nématodes et les mouches des fruits. Cependant, ses effets chez les mammifères sont inconnus.
Pour le tester, les chercheurs ont choisi une espèce particulière de souris modifiées pour vieillir prématurément. Les rongeurs ont été scindés en deux groupes, l’un vivant à des niveaux d’oxygène atmosphérique normaux (environ 21 % d’oxygène dans l’air) et l’autre déplacé – à quatre semaines de vie – dans un environnement de vie avec une plus faible proportion d’oxygène, à 11 %, soit un taux d’oxygène similaire à ce qui existe à 5000 mètres d’altitude.
Des souris avec une longévité plus importante
Résultats : les scientifiques ont découvert que les souris dans l’environnement restreint en oxygène vivaient environ 50% plus longtemps que les souris dans des niveaux d’oxygène normaux, avec une durée de vie médiane de 23,6 semaines contre 15,7 semaines. Les souris restreintes en oxygène présentaient également une apparition retardée de déficits neurologiques associés au vieillissement.
C’est la première fois que des scientifiques montrent qu’un apport réduit en oxygène est associé à une durée de vie plus longue chez les souris de laboratoire, soulignant son potentiel anti-âge. « Nous constatons que l’hypoxie chronique continue prolonge la durée de vie de 50 % et retarde l’apparition de la débilité neurologique dans un modèle de vieillissement de la souris. C’est la première fois que la « restriction d’oxygène » a été démontrée comme bénéfique dans un modèle de vieillissement de mammifère » explique le Pr Rogers.
Le point de vue de Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et membre du comité d’experts de Doctissimo
« Les scientifiques qui ont mené cette étude observent une augmentation de la longévité de cette espèce particulière de souris, sans se l’expliquer concrètement. Ils pensent que le mécanisme en cause est un ralentissement de la division cellulaire ou alors une diminution du stress oxydant. Ce que l’on sait chez l’homme c’est qu’un air faible en oxygène rend le métabolisme oxydatif plus efficace avec une augmentation du nombre de globules rouges pour maintenir le taux d’oxygène dans le corps. On constate donc une plus grande énergie chez ces sportifs mais difficile de traduire cet effet par un regain de la longévité«
Sources
- Hypoxia extends lifespan and neurological function in a mouse model of agingRobert S. Rogers,Hong Wang,Timothy J. Durham,Jonathan A. Stefely,Norah A. Owiti,Andrew L. Markhard,Lev Sandler,Tsz-Leung To,Vamsi K. Mootha – Published: May 23, 2023 – https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3002117
- Entretien avec le Docteur Christophe de Jaeger, spécialiste du vieillissement et membre du comité d’experts de Doctissimo
- Article à lire sur Doctissimo
Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.
Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et
de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.
De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.
Son dernier ouvrage grand public »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.