14 04 2023 - Imunité Vit D - 2

Vitamine D et Immunité

Par le Docteur Christophe de Jaeger – Avril 2020

La vitamine D est une hormone de type stéroïde (mais on continue à l’appeler « vitamine » pour des raisons sur lesquelles nous devrions un jour nous pencher) qui agit en se liant à un récepteur spécifique de la « vitamine » D. Elle est connue pour son rôle dans la régulation des niveaux de calcium et de phosphore, ainsi que dans la minéralisation osseuse. Mais la vitamine D présente d’autres effets importants ignorés le plus souvent du grand public. Parmi les actions non osseuses de la vitamine D, on trouve la régulation de la fonction immunitaire, la différenciation et la prolifération des cellules hématopoïétiques.

Au cours des 20 dernières années, de plus en plus d’études scientifiques ont révélé l’association existante entre la carence en vitamine D et un risque accru de contracter diverses maladies infectieuses ainsi qu’une issue moins favorable pour les patients présentant une carence en vitamine D en présence d’infections.

Or, le déficit en vitamine D est courant dans la population générale.

La vitamine D est une hormone de type stéroïde (famille de la testostérone, des estrogènes…), liposoluble, synthétisée en plusieurs étapes dans notre organisme. Le 7-déshydrocholestérol (dérivé du cholestérol) va sous l’action des ultraviolets, au niveau de la peau, se transformer en cholécalciférol. Celui-ci sera ensuite hydroxylé deux fois (dans le foie, puis dans le rein) pour devenir complètement activé sous forme de 1,25 (OH) vitamine D3 ou calcitriol (forme active de la vitamine D). C’est cette forme hormonale active qui sera transporté dans le sang vers des tissus cibles, se liant avec un récepteur spécifique. Le complexe hormone-récepteur migre alors vers le noyau cellulaire pour activer ou inhiber des gènes (plus de 200 gènes sont actuellement répertoriés). Nous sommes donc typiquement devant un métabolisme de type hormonal et non vitaminique.

De façon générale, la vitamine D3 active le système immunitaire. La présence de vitamine D3 va favoriser l’expression des peptides antimicrobiens par les cellules épithéliales et les macrophages en présence d’un agent infectieux. Les macrophages et les monocytes jouent un rôle clé dans l’initiation de réponses non spécifiques à des organismes pathogènes ou à des lésions tissulaires. Ce rôle consiste à phagocyter (englober et détruire) des pathogènes (virus ou bactéries) ou des débris cellulaires puis à les éliminer ou les assimiler.

Une carence en vitamine D3 est associée à un risque accru d’infections virales, dont le VIH et la grippe. De faibles niveaux en vitamine D3 semblent également être un facteur de risque pour la tuberculose. Les macrophages ou les monocytes exposés à un agent infectieux comme le bacille de la tuberculose, surexpriment le « toll-like receptor 2 », le récepteur à la vitamine D3 et la 1-alpha hydroxylase. Si la concentration de vitamine D dans le liquide extracellulaire de ces cellules est suffisante, la vitamine D3 va être synthétiser, qui va induire la production de protéines, en particulier la cathélicidine, que l’on peut considérer comme un antibiotique naturel, et qui va détruire l’agent infectieux. Ce mécanisme explique (au moins en partie) la relation entre la fréquence de la tuberculose et des concentrations basses en vitamine D retrouvée dans des études épidémiologiques.

En outre, dans les macrophages, la vitamine D3 supprime l’activité des cytokines pro-inflammatoires (IFNy, TNFa, IL-12). La carence en vitamine D3, plus fréquente durant l’hiver, pourrait participer au caractère saisonnier des infections grippales.

Notre connaissance des effets de la vitamine D3 a considérablement augmenté au cours des dernières années. Les mécanismes d’action et le rôle du récepteur de la vitamine D3 en plus de ses effets classiques sur le calcium et l’homéostasie osseuse sont bien établis. Le récepteur de vitamine est exprimé sur les cellules immunitaires, qui sont capables de synthétiser le métabolite actif de la vitamine D. De plus, la vitamine D a la capacité d’agir de manière autocrine et peut moduler les réponses immunitaires innées et adaptatives.

Le rôle de la supplémentation en vitamine D3 est généralement bien admis. Mais se pose la question de la dose que chacun doit prendre s’il présente une carence, car tout va dépendre de votre statut propre en vitamine D3 (êtes-vous un peu ou beaucoup carencé en vitamine D3). Un statut insuffisant en vitamine D3 va probablement majorer votre risque d’infection et une correction de cette carence peut s’envisager. Elle nécessitera des apports alimentaires adaptée et/ ou une supplémentation externe en vitamine D3 qui fourniront des niveaux plasmatiques adéquats. Mais seuls des dosages et une surveillance biologique adaptée pourront en déterminer la validité. L’intérêt étant de prévenir et / ou de compenser une carence de l’organisme en vitamine D3 et donc de contribuer à augmenter les capacités défensives de l’organisme.

Auteur : Docteur Christophe de JAEGER

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.

Références :

Aloia JF, Li-Ng M :. Re: epidemic influenza and vitamin D. Epidemiol Infect 2007 ; 135: 1095-6.

Aranow, C. Vitamin D and the immune system. J. Investig. Med. 2011, 59, 881–886.
Gil, A.; Plaza-Diaz, J.; Mesa, M.D. Vitamin D: Classic and novel actions. Ann. Nutr. Metab. 2018, 72, 87–95.

Beard JA, Bearden A, Striker R, « Vitamin D and the anti-viral state », Journal of clinical virology : the official publication of the Pan American Society for Clinical Virology, vol. 50, no 3,‎ mars 2011, p. 194–200

Bhalla, A.K.; Amento, E.P.; Serog, B.; Glimcher, L.H. 1,25-Dihydroxyvitamin D3 inhibits antigen-induced T cell activation. J. Immunol. 1984, 133, 1748–1754.

Boland, R. Role of vitamin D in skeletal muscle function. Endocr. Rev. 1986, 7, 434–448

Cannell JJ, Vieth R, Umhau JC, Holick MF, Grant WB, Madronich S, Garland CF, Giovannucci E, « Epidemic influenza and vitamin D », Epidemiology and Infection, vol. 134, no 6,‎ 2006, p. 1129–40

Chan TYK. Vitamin D deficiency and susceptibility to tuberculosis. Calcif Tissue Int 2000; 66: 476-8.

Ewison M, « Vitamin D and innate and adaptive immunity », Vitam. Horm., vol. 86,‎ 2011, p. 23–62

Holick,M.F.;McLaughlin,J.A.;Clark,M.B.;Holick,S.A.;Potts,J.T.J.;Anderson,R.R.;Blank,I.H.;Parrish,J.A.; Elias, P. Photosynthesis of previtamin D3 in human and the physiologic consequences. Science 1980, 210, 203–205.

James R. Sabetta, Paolo DePetrillo, Ralph J. Cipriani, Joanne Smardin, Lillian A. Burns, Marie L. Landry : Serum 25-Hydroxyvitamin D and the Incidence of Acute Viral Respiratory Tract Infections in Healthy Adults Published: June 14, 2010.

Khajavi et al. The rachitic lung: pulmonary findings in 30 infants and children with malnutritional rickets. Clin Pediatr 1977 16: 36-38.

Koeffler, H.P.; Amatruda, T.; Ikekawa, N.; Kobayashi, Y.; DeLuca, H.F. Induction of macrophage differentiation of human normal and leukemic myeloid stem cells by 1,25-dihydroxyvitamin D3 and its fluorinated analogues. Cancer Res. 1984, 44, 5624–5628.

Liu PT, Stenger S, Li H, Wenzel L, Tan BH, Krutzik SR et al. Toll-like receptor triggering of a vitamin D-mediated human antimicrobial response. Science 2006; 311: 1770-3.

Luong Kv, Nguyen LT, « Impact of vitamin D in the treatment of tuberculosis », The American journal of the medical sciences, vol. 341, no 6,‎ juin 2011, p. 493–8

Martineau, A.R.; Timms, P.M.; Bothamley, G.H.; Hanifa, Y.; Islam, K.; Claxton, A.P.; Packe, G.E.;
Moore-Gillon, J.C.; Darmalingam, M.; Davidson, R.N.; et al. High-dose vitamin D (3) during intensive-phase antimicrobial treatment of pulmonary tuberculosis: A double-blind randomised controlled trial. Lancet 2011, 377, 242–250.

Nnoaham KE, Clarke A, « Low serum vitamin D levels and tuberculosis: a systematic review and meta-analysis », International Journal of Epidemiology, vol. 37, no 1,‎ février 2008, p. 113–9.

Randoux A., Biochimie dynamique, De Boeck Supérieur, 1997, p. 453.

Spector SA, « Vitamin D and HIV: letting the sun shine in », Topics in antiviral medicine, vol. 19, no 1,‎ février 2011, p. 6–10

Wejse,C.;Gomes,V.F.;Rabna,P.;Gustafson,P.;Aaby,P.;Lisse,I.M.;Andersen,P.L.;Glerup,H.;Sodemann,M. Vitamin D as supplementary treatment for tuberculosis: A double-blind, randomized, placebo-controlled trial. Am. J. Respir. Crit. Care Med. 2009, 179, 843–850.